Editorial
Dresser l’oreille
Quand nous avons choisi le thème «terminer» pour notre numéro de juillet/août, nous pensions bien entendu à la fin du semestre et aux vacances d’été. Et c’est un thème fertile: arrêter de jouer de la musique ou de composer, terminer sa carrière, mettre le point final à une œuvre…
Terminer, arrêter, s’arrêter. En allemand, on dit «aufhören», ce qui est étonnant, car «hören» signifie écouter. Le dictionnaire étymologique Kluge indique qu’en allemand médiéval, les deux verbes avaient le même sens. Et il précise: «quand quelqu’un fixe son attention sur quelque chose, alors il abandonne toute activité; s’arrêter, c’est d’une certaine manière dresser l’oreille». (D’ailleurs en français aussi, le chien qui se fige et tend l’oreille quand il entend du gibier est appelé un «chien d’arrêt», note du traducteur.)
Ainsi, ce qui nous intéresse dans le fait de s’arrêter, ce n’est pas tellement ce qu’on ne fera plus, mais plutôt ce qui va nous arriver de nouveau. Au-delà des apitoiements habituels qui accompagnent toute interruption: «espérons que vous saurez en tirer du positif», nous sommes convaincus que s’arrêter, c’est aussi dresser l’oreille.
J’écris cet éditorial le jour du Brexit. Je suis secouée. Non pas que j’aie la prétention de croire que je sais ce qui va se passer pour les Britanniques. Mais c’est une victoire du repli sur soi et de la désolidarisation. Une de plus, car sur notre continent, tous les mouvements à droite de l’échiquier politique tendent vers cette même direction. Et une chose est sûre parmi cette mouvance, c’est que les programmes qu’elle prône n’encouragent pas une vie culturelle riche, libre et diversifiée.
Les vacances arrivent. Nous avons tous envie de laisser quelque temps ces problèmes complexes derrière nous. Et puis le quotidien reviendra nous occuper, nous absorber. Mais arrêtons-nous un moment pour écouter. Et — si nécessaire — aussi pour râler!
Cordialement
Pia Schwab