Editorial
RMS 6/2013
Le feu: stimulant et destructeur
Le Cavalier de feu, mis en musique par Hugo Distler, a déclenché chez moi il y a plusieurs années une passion pour la musique chorale virtuose. J’étais d’une part fascinée par la ballade de Mörike retraçant l’histoire de ce mystérieux cavalier qui tente d’arrêter les flammes et qui en meurt. D’autre part, j’étais emportée par l’enthousiasme du directeur qui nous a fait travailler cette œuvre exigeante jusqu’à ce que nous puissions la produire en concert.
Le film Kinshasa Symphony de Claus Wischmann et Martin Baer donne un autre exemple de cette ardeur artistique qui permet de faire tomber tous les obstacles. Dans ce documentaire, un chœur et un orchestre d’environ 200 musiciens et musiciennes amateurs parviennent à monter un concert de musique classique — avec notamment le quatrième mouvement de la Neuvième de Beethoven — dans les conditions particulièrement défavorables de la capitale congolaise. Cette représentation en plein air, sur un terrain de football, met littéralement le feu à un gigantesque public, dont la majorité écoute de la musique classique pour la première fois.
Dans ce numéro, il s’agira moins de mentionner les œuvres dont le thème est le feu que de parler de vraies flammes, au sens propre et au sens figuré. Nous évoquerons tout de même la Musique pour les feux d’artifice royaux de Haendel, créée le 27 avril 1749 au Green Park de Londres pour les festivités en l'honneur du traité d'Aix-la-Chapelle. Notre image de couverture montre avec quelle splendeur les feux ont dû illuminer le ciel à cette époque déjà. Cette gravure représente le spectacle que le duc de Richemond fit donner quelques jours plus tard sur la Tamise. Je ne sais pas si ces feux-là étaient déjà accompagnés de musique. Aujourd’hui en tout cas, les spectacles pyromélodiques sont toujours très appréciés et les pyrotechniciens cherchent constamment à synchroniser le plus finement possible leurs explosions avec la bande-son.
Le pyrophone est une curiosité parmi les instruments de musique. Il utilise le feu pour faire sonner des tuyaux de verre et trouve aujourd’hui encore des amateurs parmi les passionnés de sons. La passion pour les scènes enflammées, elle, se concrétise lorsque le théâtre est véritablement la proie des flammes, un drame qui a touché nombre de bâtiments, surtout au 19e siècle, mais aussi au 20e.
Enfin, il sera aussi question de Wagner, un compositeur qui personnifie mieux que quiconque l’ambivalence du feu.
Cordialement.
Katrin Spelinova