Editorial
Traîné dans la boue
Guitares fracassées, pianos éclatés, violons écrasés. «Qu’est-ce que cela a à voir avec la musique?», me demandait récemment un jeune batteur de 13 ans alors que je lui parlais du thème de notre prochain numéro.
Des menaces de diminution massive des budgets culturels, comme en ce moment à Bâle-Campagne, des mesures d’économies cantonales qui saignent la culture à blanc, ou la suppression d’orchestres pour des raisons financières: tout cela a à voir avec la musique.
Et quand des fanatiques détruisent des biens culturels millénaires au nom de leur idéologie, ou quand ils interdisent la pratique de la musique, cela nous prend aussi à la gorge.
«Imagine que tu te réveilles demain et que la musique a disparu», c’est la traduction du titre du nouveau film de Stefan Schwietert, bientôt en salles (après un passage remarqué au festival Visions du réel à Nyon, note du traducteur). Ce documentaire retrace le projet The 17 de Bill Drummond, membre du groupe anglais The KLF, qui durant toute son activité jusqu’en 1992 a mené des actions retentissantes où il mettait sérieusement en question le business musical. Dans le film, Drummond encourage à n’écouter que la musique que l’on joue soi-même. Il critique le fait que la musique ne soit devenue qu’un divertissement, et que l’industrie du disque ne propose que des sons et des images parfaites, répandant ainsi le sentiment que seules les superstars ont le droit de chanter, les autres n’étant pas assez bons pour ça. Son omniprésence fait aussi perdre son sens à la musique.
Ce sont également des habitudes quotidiennes de consommation qui menacent la musique jusqu’à ce qu’elle perde toute sa substance, et ceci sans qu’on se rende compte qu’on commet un crime. Que peut-on faire contre cela? Je pense qu’apprendre aux enfants à écouter les sensibilise à cette problématique. Cela se fait dans plusieurs endroits, mais dans d’autres ce n’est pas prévu, ou ça a été supprimé. Il faut s’en inquiéter, et tout tenter pour créer les conditions-cadres nécessaires ou pour les soutenir. Ce serait très dommage que des questions critiques d’adolescents comme ci-dessus continuent d’exister.
Cordialement
Katrin Spelinova