Les amateurs chantent-ils mieux que les professionnels?
La question que nous posons en titre est volontairement provocante. Pour y répondre, nous avons fait appel aux responsables du Festival de chœurs de jeunes européens à Bâle, qui est certainement la plateforme la plus attractive du monde dans le domaine des jeunes chœurs amateurs de haut niveau. Sa directrice Kathrin Renggli et ses conseillers artistiques Christoph Huldi, Raphael Immoos et David Wohnlich donnent leur avis à ce sujet.
Raphael Immoos dirige entre autres les Basler Madrigalisten, un chœur professionnel. Pour lui, un chanteur professionnel ne peut pas être remplacé par un amateur. Sa longue formation lui donne des compétences impossibles à acquérir quand le chant n’est qu’un hobby. Bien sûr, il peut exister des exceptions, en particulier dans l’opéra où une personne bénéficiant d’une belle voix peut devenir professionnelle.
Christoph Huldi dirige le chœur semi-professionnel Notabene, ainsi que la chorale du gymnase de Muttenz. Il explique que la perfection technique touche les sens et met le public en émoi. Quand il travaille avec un chœur amateur, qui ne peut jamais atteindre cette perfection technique, il compense ce manque par d’autres moyens: une chorégraphie ou un travail de présence scénique.
David Wohnlich enseigne la musique à des adolescents de 15 ans. Son objectif est de leur donner du plaisir dans la pratique musicale. Et il vise le même but lorsqu’il compose des œuvres pour des ensembles amateurs ou professionnels. Il s’adapte à leur niveau technique pour obtenir toujours la meilleure qualité possible.
La différence entre un chœur amateur et un chœur professionnel tient d’une part dans la durée des répétitions: pour une question financière, les ensembles professionnels répètent moins longtemps, ce qui peut être source de stress. Le répertoire est également différent: les professionnels sont plus à l’aise dans la musique contemporaine, car ils lisent à vue, ainsi que dans la musique ancienne, qui exige un bon niveau technique.
Selon Raphael Immoos, il n’est pas plus facile de travailler avec des professionnels qu’avec des amateurs. Même si dès le départ, le son est magnifique, le chef va essayer de pousser la qualité encore plus loin. Christoph Huldi précise que les professionnels maîtrisent une palette de sonorités, une justesse d’intonation, une production de sons complexes que les amateurs n’imaginent même pas. Mais l’avantage des chorales amateurs, c’est de pouvoir répéter longtemps.
Un autre avantage des amateurs, c’est le lien émotionnel qu’ils créent avec leur public. Un chœur d’enfants notamment, même s’il est loin d’être parfait, charmera facilement l’assistance. Mais «c’est la vie», comme le précise David Wohnlich; certains auditeurs sont sensibles à la technique, d’autres au charme, d’autres encore aux deux aspects.
Au Festival de chœurs de jeunes bâlois, l’interaction des chanteurs avec le public est un critère déterminant lors de la programmation. Raphael Immoos explique que la voix est un moyen de communication et qu’en tant que telle, elle a besoin d’un récepteur.
Reste à savoir si des amateurs peuvent être également des artistes. A cette question, Raphael Immoos répond oui, même si ce n’est pas la règle. Pour Christoph Huldi, un amateur manque généralement d’ouverture pour être un véritable artiste. Il peut exceller dans l’imitation d’un style pop, être très impressionnant, mais il sera peu créatif. Un professionnel, lui, a un horizon plus large; c’est ce qui fait de lui un véritable artiste.