
Partie prenante d’un magnifique résultat
Cachés dans leur fosse, les musiciens d'opéra sont-ils des musiciens de seconde zone? Avec un chef intelligent et quelques années d'expérience, on peut toutefois y trouver son bonheur, comme nous le verrons dans un exemple concret.
Ma première impression en entrant dans une fosse d’orchestre a été: «quel beau théâtre!» Les musiciens prenaient place pour la répétition quand l’un d’eux évoqua les problèmes acoustiques du lieu: il n’allait pas être facile de jouer dans cet endroit. Nous, les nouveaux musiciens engagés, étions persuadés qu’il s’agirait d’un passage temporaire. Nous avions appris notre instrument dans l’espoir de jouer sur scène, face à un public enthousiaste.
Le travail dans la fosse n’était pas facile. Certaines œuvres étaient jouées sans répétition. La plupart des chefs étaient certes tolérants et ne faisaient pas de cas de nos erreurs. Le plus important pour eux était d’avoir un contact avec la scène et de bien accompagner les chanteurs.
La première fois que j’ai eu l’impression de jouer un rôle important dans le spectacle a eu lieu à Zurich, avec Nikolaus Harnoncourt. Le jeu dans la fosse était pour lui aussi important que sur scène, il nous expliquait pourquoi le compositeur avait choisi telle ou telle technique, comment Mozart avait suivi la trame dramatique d’Idomenée dans ses moindres détails. Certains musiciens trouvaient pour la première fois un sens à ce qu’ils faisaient.
D’autres chefs, Ferdinand Leitner et Nello Santi notamment, passaient également beaucoup de temps à donner des explications à l’orchestre, mais le considéraient comme une seule entité, là où Harnoncourt tenait compte de chaque individu.
Jean-Pierre Ponnelle, le metteur en scène d’Idoménée, était aussi très apprécié de l’orchestre. Dans cette création, les musiciens se sentaient concernés par le spectacle joué sur scène.
Ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Parfois, la scène et l’orchestre sont totalement séparés. Le chef ne se prive pas de critiquer la mise en scène et les musiciens se contentent de jouer leur partie.
Avec l’habitude, le musicien d’opéra apprend à relativiser le complexe de jouer dans l’ombre. Peu à peu, il se rend compte que s’il n’est pas plus important que d’autres, il est tout de même partie prenante d’un magnifique résultat.
Résumé et traduction: Jean-Damien Humair