Editorial
«corner»
Avouons-le, pour le choix du thème de ce numéro, nous avons un peu triché. Nous nous sommes tenus strictement à la règle que nous nous sommes fixée pour cette année: chaque thème devait être un verbe. Souvenez-vous: rire, s’exercer, vieillir. Et donc aujourd’hui «corner», que nous avons mis entre guillemets, parce que peu usité. La version allemande «hornen» ne figure d’ailleurs pas dans les dictionnaires. Mais dans quelques dialectes alémaniques, «hornen» a au moins deux significations. Dans certaines régions, il signifie «klaxonner», comme c’était le cas également autrefois en français du verbe «corner». Pour les Bernois, il signifie «pleurer bruyamment», «brailler». Le mot a aussi parfois une signification musicale, pour quelqu’un qui s’égosille en chantant. Il s’agit donc toujours de produire un son fort, de transmettre un signal sonore qui s’entendra loin à la ronde.
Aujourd’hui, les klaxons et les cornes de brume sont monnaie courante, on connaît leur rôle d’avertisseurs dans la circulation routière ou maritime. Mais les nombreux codes que les conducteurs de diligence utilisaient pour annoncer leur arrivée longtemps à l’avance — en précisant le nombre de passagers ou de colis — sont tombés dans l’oubli. Quelques bergers échangent encore des informations entre eux en jouant différentes mélodies codées. L’association suisse du cor de chasse soigne cette tradition. Elle organise des fêtes du cor, cette année ce sera le 13 juin à Soleure, et publie un guide: Jagdhornblasen für Frischlinge und alte Hasen (non traduit).
Dans un canon à plusieurs voix, le compositeur Willy Geisler écrivait: «le cor, le cor, il est bien fainéant / le cor, il ne joue qu’une seule note». Il ne sera pas question de ça ici. Au contraire. Nous savons tous combien la tâche des cornistes est complexe, dans l’orchestre, en solo ou en musique de chambre. Je vous souhaite bien du plaisir à la lecture de ce numéro, qui fait la lumière sur quelques aspects de cet instrument et de la manière d’en jouer… sans brailler.
Cordialement
Katrin Spelinova