Editorial
La musique n’est pas drôle
Parfois, nous partons d’un éclat de rire sans trop savoir pourquoi. Il n’est pas facile d’en expliquer la raison. Et si des chercheurs, philosophes et psychologues se sont penchés sur la question, le phénomène du rire reste aujourd’hui encore bien mystérieux.
Le rire peut être involontaire, comme évoqué, une sorte de besoin vital. Un mythe de l’Antiquité raconte que Dieu a créé le monde en riant sept fois aux éclats. Dans l’interview qu’il nous a accordé, Franz Hohler parle aussi du rire qui survient quand nous avons compris quelque chose, quand nous avons pris conscience de l’inéluctable ambiguïté de la vie (page 12).
Il est plus difficile encore de décrire le rire dans la musique, en particulier dans la musique dite «sérieuse». Oui, bien sûr, il y a les plaisanteries sur les altistes… un bouc émissaire est inévitable dans tout regroupement de personnes, c’est une question d’équilibre naturel. En Suisse, nous rions de la petitesse des Appenzellois, de la propreté douteuse des Fribourgeois, et en tant que Bernoise, j’ai bien entendu commencé à écrire cet éditorial au temps des dinosaures (qui apparaissent d’ailleurs en page 26 de ce numéro).
Mais qu’en est-il au-delà des clichés? Une constatation se dégage rapidement: la musique en soi n’est pas drôle (en contrepartie, nous pouvons affirmer également qu’elle n’est pas sérieuse non plus). Elle a besoin de points de référence pour nous amener à rire: des règles de composition ou des conventions. Dans La Belle Hélène d’Offenbach, un orchestre sur scène joue incroyablement faux. «Un orchestre à la mode!» répond l’hôte à qui on pose la question. La nouveauté est toujours sujette à la plaisanterie (voir l’article sur le rire d’Offenbach, page 7). Et même les rituels guindés de la musique «sérieuse» sont source de parodies pour les comiques.
Les attentats du 7 janvier à Paris ont démontré que le rire peut aussi conduire au tragique. Nous parlons des réactions des musiciens à ces événements en page 25.
Cordialement
Pia Schwab