
Pierre-André Pilet
Chef de chœur, musicien et directeur du Festival des musiques populaires de Moudon.
Parcours : Diplôme de chef de chœur non professionnel au Conservatoire de Lausanne. Par ailleurs paysagiste au Jardin botanique de Lausanne. Dirige trois chorales depuis 12 ans.
Quel a été votre big-bang musical personnel ?
Il y a eu un moment magique à la dernière Fête des vignerons : la version de Jost Meier du ranz des vaches. Les armaillis chantaient en canon et en écho depuis quatre tours, le but n’étant pas de faire percevoir la mélodie, mais de mélanger les sons. Tout le monde a crié au scandale: «ils n’ont même pas réussi à faire le ranz des vaches comme il faut!». Moi, je chantais dans le spectacle et c’était un moment où j’étais en coulisse, mais chaque soir je venais écouter ce passage que je trouvais magnifique.
La musique populaire pour moi, ça doit être ça: utiliser la tradition pour la transcender, pour aller plus loin. Sans cela, on soufflerait toujours dans des bambous et on frapperait encore sur des os. Jost Meier a amené plus loin le ranz des vaches.
Et puis, un autre big-bang a été la découverte de la musique chorale, qui m’a fait passer d’instrumentiste à choriste et chef de chœur. Auparavant, je jouais de la clarinette. J’ai été voir plusieurs chefs travailler et je me suis lancé dans la direction moi-même en me disant: «pourquoi pas moi?». Je me suis inscrit au conservatoire et j’ai fait le diplôme en deux ans.
Qu’est-ce que cet événement a déclenché chez vous ?
Le chant a déclenché en moi une ouverture sensorielle. L’instrumentiste lit une note et presse sur le bouton correspondant. Quand on chante, le son sort de nous, il ne nous revient pas de l’extérieur. La relation au son est toute différente.
Attendez-vous, espérez-vous ou redoutez-vous qu’un tel événement se reproduise ?
Oui, j’espère car je suis très à l’écoute de tout ce qui m’entoure, de tous les sons dans leur environnement: c’est passionnant. Ça peut être le vent, ça peut être de la musique. Je viens de lancer un projet avec Pierre Mariétan où des cors des Alpes vont jouer avec l’environnement, les monuments, etc. Ce sera une vraie création liée au lieu. Je trouve cela passionnant.
Avez-vous observé un phénomène semblable chez d’autres personnes ?
Je ne crois pas que beaucoup de gens soient attentifs aux sons et à la nouveauté musicale. Il me semble qu’ils sont généralement plus enclins à consommer qu’à découvrir.
Existe-t-il une œuvre que vous considéreriez comme un big-bang musical ?
Le Magnificat d’Arvo Pärt. Je l’ai chanté et c’est une musique qui est pleine d’éclats, de petits éléments qui nous emportent dans tous les sens, comme un big-bang. Ça explose, même si c’est par ailleurs une musique réservée.